Depuis la nomination de Manuel Valls à Matignon, on nous parle de la nécessité d’une nouvelle réforme territoriale pour fusionner les régions et supprimer les départements … Vaste programme !
Toutefois, si nous revenons un peu en arrière, François Fillon avait déjà mis en place une réforme des collectivités territoriales en 2010. Il prévoyait ainsi la suppression de la clause générale pour les conseils généraux et régionaux et la mise en place de conseillers territoriaux qui auraient dû siéger dans les assemblées départementales et régionales. Cela faisait passer le nombre d’élus de 5 819 à 3 517. Pour l’Essonne, on passait ainsi de 24 conseillers régionaux et 42 conseillers généraux à 33 conseillers territoriaux.
Ceci fut enterré en mai 2013 par le ministre de l’Intérieur de l’époque, un certain Manuel Valls … Il a alors accompli la prouesse de rétablir la situation initiale et d’introduire les conseillers départementaux (élus au scrutin binomial – ingéniosité qui permet que la parité soit respectée mais qui éloigne l’élu des citoyens). Les élections régionales et départementales avaient alors déjà été repoussées d’un an.
Aujourd’hui, si on en croit les déclarations répétées du Président de la République, du Premier ministre et du secrétaire d'État chargé de la Réforme territoriale, ces conseillers départementaux seraient voués au même funeste destin que les conseillers territoriaux. Mais, pour arriver à ce constat, ils veulent encore perdre du temps pour avoir l'illusion d'en gagner …
En outre, il y a un risque que le Conseil constitutionnel censure le report de l’élection surtout pour les conseillers régionaux dont la durée du mandat serait allongée de 50% quand celle des conseillers généraux le serait de 33% pour ceux élus en 2008 et de 66% pour ceux élus en 2011.
A priori, l’Ile-de-France n’est pas concernée par un réagencement du périmètre de la région ; mais les problématiques relatives au Grand Paris et à l’aire urbaine de Paris visent à créer de nouvelles intercommunalités de 200 000 habitants sur la partie la plus peuplée du département. La question du Sud Essonne (arrondissement d’Etampes enrichi des anciens cantons d’Arpajon, de Limours, de Mennecy et de Milly-la-Forêt) est d’autant plus prégnante que ses caractéristiques rurales sont similaires à 20% des autres départements de France.
Alors que la gauche a enregistré de nombreuses défaites (Viry-Châtillon, Palaiseau, Athis-Mons, Brétigny-sur-Orge, Montgeron, Chilly-Mazarin, Juvisy-sur-Orge, Epinay-sous-Sénart, Igny, Saint-Germain-lès-Arpajon, Crosne, Saint-Pierre-du-Perray, Longpont-sur-Orge, Wissous et Villabé) et n’a conservé que 2 intercommunalités sur le département (Val d’Orge et Évry Centre Essonne), il est fort probable que l’engouement pour le « changement » soit quelque peu piqué de frilosité ... L’option d’une assemblée départementale assisse sur les intercommunalités n’est d’ailleurs pas satisfaisante car elle reviendrait à créer des élus hors sol …
A Morsang-sur-Orge, en cas de mise en place de conseillers territoriaux nouvelle formule, qui de Marjolaine Rauze (conseillère générale PCF) ou Marie-Christine Carvalho (conseillère régionale PS) sera sacrifiée sur l’autel de la réforme et devra céder sa place à l’autre si la gauche arrivait à présenter une liste unique ?
D’ici la rentrée parlementaire d’octobre, il y a de grandes chances que le Sénat change de majorité fin septembre et bascule à droite. Or, les différents projets de lois nécessaires doivent obligatoirement passer sous les fourches caudines de la Chambre Haute avant d’être présentés à l’Assemblée nationale …
Ensuite, pour réviser l’article 72 de la Constitution, la convocation du parlement en Congrès est inenvisageable faute de majorité des 3/5 ; et le recours au référendum est impensable à l’aune de la popularité du Chef de l’Etat.
Que le Président de la République convoque des « Etats généraux des territoires » avant l'été, pour mettre autour de la table non seulement les responsables des partis politiques, mais aussi les acteurs de la vie territoriale s’il veut réellement opérer une simplification du « mille-feuille ». Celle-ci ne peut néanmoins pas être imposée selon un modèle unique et ne saurait être un tripatouillage destiné à supprimer les élections pour supprimer les défaites.
Il faut rompre avec la méthode qui a conduit au vote de la loi Chevènement en 1999 dont l’objet fut le renforcement et la simplification de la coopération intercommunale ; mais qui a conduit à certains dérapages concernant les transferts de compétences et à une hausse globale des effectifs de 25% en 15 ans ! Or, en faisant la chasse aux doublons entre communes et intercommunalités, il serait possible de gagner au moins 15 milliards d’euros selon le député René Dosière … Cet étiage correspond à l’objectif avancé par le gouvernement …
Le « big bang » que le Premier ministre fait miroiter risque donc de se révéler comme étant un nuage de fumée, une simple opération de diversion pour ne pas parler des problèmes qui pourrissent le quotidien des Français, aux premiers rangs desquels le chômage et l’insécurité …